Rouge-gorge, merlette, et mésange à tête noire...
Mon jardin abrite toujours le fabuleux ballet des oiseaux familiers qui viennent se nourrir aux boules de graisse accrochées dans les branches à leur intention...
Après les mésanges bleues et les mésanges charbonnières que je vous ai proposées l'autre jour, voici maintenant les mésanges à tête noire, avec leurs jolies plumes grises et rosées...
On dirait une esquisse tellement le dessin de leurs plumes est précis et bien dessiné...
A elles se joint quelquefois une merlette brun-gris, qui veut bien leur laisser une part du festin, contrairement aux merles noirs et aux pigeons qui ne partagent pas leur territoire !
Enfin "il" est venu !
Je l'attendais, le guettais... Mais jusqu'à présent, nulle trace de rouge-gorge.
Et puis ces derniers jours il s'est invité timidement, et j'ai enfin pu le photographier à loisir...
Quelle merveille !
Je resterais des heures à observer ces oiseaux, riant parfois toute seule de leurs acrobaties, de leurs disputes, ou de leur échec à saisir une miette...
Fascinée par la beauté fragile de ces petits êtres qui semblent m'observer du coin de l'oeil, ayant deviné que je ne leur veux aucun mal...
Le rouge-gorge
"Travaillant au jardin, je vois soudain, à deux pas, un rouge-gorge ; on dirait qu'il veut vous parler, au moins vous tenir compagnie : minuscule piéton, victime toute désignée des chats. Comment montrer la couleur de sa gorge ? Couleur moins proche du rose, ou du pourpre, ou du rouge sang, que du rouge brique ; si ce mot n'évoquait une idée de mur, de pierre, même, un bruit de pierre cassante, qu'il faut oublier au profit de ce qu'il évoquerait aussi de feu apprivoisé, de reflet du feu ; couleur que l'on dirait comme amicale, sans plus rien de ce que le rouge peut avoir de brûlant, de cruel, de guerrier ou de triomphant. L'oiseau porte dans son plumage, qui est couleur de la terre sur laquelle il aime tant à marcher, cette sorte de foulard couleur de feu apprivoisé, couleur de ciel au couchant. Ce n'est presque rien, comme cet oiseau n'est presque rien, et cet instant, et ces tâches, et ces paroles. A peine une braise qui sautillerait, ou un petit porte-drapeau, messager sans vrai message : l'étrangeté insondable des couleurs. Cela ne pèserait presque rien, même dans une main d'enfant.
Philippe JACCOTTET
in "Et néanmoins" (Gallimard, 2001, p. 51)