Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Line in Blog
18 juillet 2014

L'ombre

Des mots, les miens sur une de mes photos...

Ombre et Lumière (lampadaire Provence)-001 

L'ombre

L’ombre s’allongeait tel un lézard sur la façade ocre de la maison. Les murs brûlants réfléchissaient une chaleur lourde et sans air. Lui aussi il réfléchissait. Et ses pensées s’étiraient au même rythme que l’étouffante torpeur de cet après-midi estival. Il se dit qu’il aurait aimé comme la volute plonger par la fenêtre close, derrière les jalousies dont le bois écaillé perdait ses reflets bleus passés. Il l’imaginait, endormie, encore posée sur les draps blancs froissés qui faisaient une tache claire sur le fond sombre de la pièce. Elle bougeait à peine, esquissant par moments un mouvement rapide incontrôlé. Sa silhouette dessinait une sorte de coquillage étrange. Il aurait voulu sans la déranger, l’effleurer, sentir la douceur de sa peau, regarder ses cils frémir légèrement… Il aurait admiré l’étoile de sa main ouverte comme une fleur sur les plis de la toile rêche. Il l’aurait caressée du regard, jouant avec le clair-obscur aérien de l’ombre des voilages. Il aurait mentalement suivi du doigt chaque dessin, chaque entrelacs de cette dentelle d’ombres formée par les rideaux crochetés posée sur son corps nu. Lentement il l’aurait explorée comme on découvre un territoire inconnu, s’accrochant à chaque courbe, à chaque plein et délié de cette écriture nouvelle. Il aurait senti l’humidité des vallées profondes et la douceur duveteuse des collines ombrées. Elle aurait à peine frémi. Ses jambes, ciseaux d’or, découpaient l’ombre et la lumière dans le mouvement immobile du sommeil d’après, et il  aurait eu soif. Soif d’elle comme on a soif d’une source cachée.

Une pierre roula sous ses pieds. L’ombre continuait sa course alanguie sur le mur jaune. La chaleur pesait sur lui comme un manteau épais. Il avait encore sur sa peau le parfum de savon et d’herbe mêlés qui l’avait enveloppé lorsqu’elle avait ôté sa robe. Un mince filet d’air avait transporté jusqu’à lui ce vêtement de senteurs et il avait su instantanément qu’il ne le quitterait plus.  Même l’eau n’avait pu effacer  ce souvenir impalpable. Il eut envie de sourire. Planté au milieu de la ruelle, il cherchait une issue. Ebloui par la trop vive lumière, il cligna des yeux et tenta en vain de suivre le fil de l’ombre jusqu’à l’endroit où elle s’infiltrait derrière les volets. Derrière d’autres murs, une porte claqua. Une radio égrenait, assourdie, une rengaine à la mode. Il était là et il n’était pas là. Il s’imagina refaire le chemin à l’envers, mais déjà le volet bougeait et l’ombre glissait sans s’arrêter.

Elle l’attendrait.
Il n’était pas une ombre.

 

MLS – 18/07/2014

Publicité
Commentaires
Line in Blog
Publicité
Archives
Publicité