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2 août 2016

Cinq ans (1)

Pour me faire pardonner d'avoir été absente tout le mois de juillet,
j'ai décidé de vous offrir, en feuilleton, une nouvelle que j'ai écrite...

J'espère qu'elle vous plaira !

kiss 50

Cinq ans

Cinq ans ! Cela faisait cinq ans qu’elle ne l’avait pas vu. Cinq ans et 13 jours pour être précis. Car elle avait tenu le compte exact des journées passées sans lui. Autant dire une éternité à son échelle !
Au début, elle ne l’avait pas cru, lorsqu’il lui avait parlé de ce départ obligé. Pour les protéger. Elle ne comprenait pas. Elle, elle l’aimait. Cela faisait à peine un mois qu’ils s’étaient « trouvés ». Un mois de bonheur intense. Un mois de découvertes mutuelles et d’apprentissage de l’autre. Le temps avait filé comme une quenouille qui se dévide, à l’insu de tous, famille, amis, collègues... Ils avaient acquis la certitude qu’un bon ange les avait mis sur la même route alors même que leur rencontre était plus qu’improbable. Impossible même aux yeux du monde. Bien sûr, elle savait bien « qu’elle n’avait pas l’âge… », mais il la respectait, et elle n’était contrainte à rien. Il lui avait dit qu’il patienterait le temps qu’il fallait. Tous deux n’avaient qu’une certitude : leur amour était plus fort que tous les interdits de la vie et ils étaient heureux.

Ils étaient si différents… 
Lui, la quarantaine élégante, plutôt classique, mais avec cette petite touche de folie qui se manifestait toujours par un détail inattendu au milieu de la grisaille de ses vêtements. Tantôt une pochette ou un mouchoir fleuris, tantôt un col coloré, ou des chaussettes absolument pas protocolaires qui la faisait sourire quand elle les découvrait. Elle avait aussi remarqué ses boutons de manchette en porcelaine bleue à motif chinois… Elle aimait ces surprises qu’elle seule, elle l’aurait juré, avait le privilège d’apprécier et de détailler. Il était toujours pressé, impatient. Sauf dans leurs ébats. Là il se montrait doux et calme, très attentionné. Prenant son temps comme on savoure une tasse de café jusqu’à l’ultime goutte… Jamais il ne cessait de la regarder. Ca la faisait rire, d’ailleurs, et elle lui demandait parfois s’il voulait une photo d’elle, cela aurait été plus vite… Il ne répondait pas. Son regard se voilait un peu, et elle agitait l’air de son rire cristallin pour le ramener auprès d’elle au plus vite.
Elle, elle explosait de cette beauté flamboyante des jeunes filles en fleur, qu’elle ne soupçonnait nullement. Elle avait encore l’innocence des enfants, mais elle arrivait au moment où celle-ci se perd dans les voiles de la séduction voulue. Seul lui était conscient de ça. S’il avait dû la décrire, il aurait sans doute parlé d’un oiseau. Elle chantait tout le temps, s’agitait comme un animal pris au piège trop étroit d’une cage, fût-elle dorée. Lorsqu’elle courait dans l’escalier pour venir l’attendre, sa jupe dessinait autour d’elle un nuage mouvant. Vivant comme elle. Insaisissable comme l’amour.

Il l’avait rencontrée dans le lycée où il enseignait la littérature française. Elle était tombée amoureuse de lui en même temps que de Vian. A travers lui, elle dansait la vie sur un air de trompette de jazz. Une seule chose les avait séparés pendant quelques mois : leur âge et la raison. Mais ils n’avaient pu lutter longtemps contre l’attirance des corps et des âmes, indomptable telle une grande marée qui emporte tout sur son passage. Le raz de marée avait eu lieu, et l’homme raisonnable avait cédé devant l’évidence faite femme dans un corps d’enfant aux yeux de la loi. Mais comment empêcher certaines victoires des sentiments ? Ce n’était pas un jeu.
Ce furent sans doute les plus beaux jours de leur vie. De ceux qui s’écrivent à l’encre de feu des passions incendiaires naissantes et ne s’oublient plus. Elle pensait avoir toute la vie. Il savait qu’il n’avait pas de temps.

La rumeur les devançait sans aucune pitié. Des bruits couraient. Leur attachement mutuel avait grandi au fil des jours et il leur devenait de plus en plus difficile de ne pas laisser entrevoir l’immense complicité qui était née entre eux, l’intense tendresse qui les unissait, même si lui s’arrangeait toujours pour éviter de lui adresser la parole en public. Il bannissait même tout échange de regards qui eût pu les trahir, tellement leur amour était devenu palpable et clair. Peu à peu l'évidence s'imposait aux yeux de tous.
Un matin, alors que la cloche retentissait, le directeur du lycée arriva à la première heure dans la cour, au milieu des files d’élèves, l'air pincé. Il était accompagné d’une petite femme boulotte, aux cheveux gris et qui paraissait timide. 
- « Je vous présente votre nouveau professeur de français. C’est elle qui s’occupera de votre classe. En effet, Monsieur Delharm a dû quitter son poste au plus vite pour raisons personnelles. Il m’a chargé de vous faire ses adieux et vous souhaite bonne chance ». Puis il planta là la professeur tétanisée et tourna les talons sèchement. Les élèves se regardaient entre eux, incrédules, et commençaient à rire sous-cape. La jeune fille avait pâli.

C'était comme si le soleil venait de s’éteindre en plein jour.

(A suivre...)

© Marie-Line SALTEL-BAYOL - 27/07/2016

 

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Commentaires
M
Merci!<br /> <br /> aujourd'hui, mon passage n'a pas été vain...!<br /> <br /> Je suis très vite entrée dans le texte...mais suis restée sur ma faim...perdue comme lors d'une panne de lumière...Alors, j'attends la suite bien sûr!<br /> <br /> <br /> <br /> Bisous
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