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23 mars 2016

Avant l'orage

La force du rêve pour oublier d'autres orages.
Bien plus noirs.

orage-001

Avant l’orage.

C’était un jour de fin du monde. Plus j’avançais, plus le ciel prenait une couleur étrange. Il était passé du bleu mauve au violet presque bordeaux, et là, d’un seul coup, il se teintait de jaune. L’air était plein de cette odeur lourde de pluie si reconnaissable. Pourtant pas une goutte, et le silence emplissait l’espace. Une atmosphère étrange habitait le monde autour de moi.
J’avais décidé contre l’avis de tous d’aller marcher. Seule. J’avais besoin de me retrouver avec moi-même, et je sentais que ce moment serait précisément celui qu’il me fallait. Mes pas ralentissaient au rythme du vent léger qui s’était levé sans prévenir. Les bêtes s’agitaient dans les prés. Elles devinaient l’orage. Un oiseau s’ébroua en décollant entre les branches basses d’un sapin sombre et son cri strident me fit sursauter.
Plus j’avançais et plus une sorte d’ivresse s’emparait de moi. Je buvais l’odeur forte des herbes coupées et celle un peu âcre d’une cheminée que le souffle de l’air avait porté jusqu’à moi. Elles agissaient comme un philtre magique. Plus le cataclysme s’annonçait, et plus je me sentais remplie d’allégresse. Le vent grandissait au rythme de mes pas.

J’avançais vers ce promontoire que je savais être le lieu du spectacle. Je n’imaginais pas que mes pas me mèneraient ailleurs que là, sur ce rocher nu et sauvage auquel on accédait après avoir suivi un sentier à moitié effacé et rempli de ronces cruelles. La douleur ne m’effrayait pas. Elle faisait partie du prix à payer.

Un grondement sourd parcourut comme un frisson les nuages accumulés à l’horizon cuivré. C’était comme si quelqu’un avait donné un coup de pied dans un château de cubes qui s’effondrait bruyamment. Les trois coups avaient retenti, la pièce de ce théâtre éphémère pouvait débuter, le rideau pouvait s’ouvrir sur ce spectacle unique.
Mes pensées vagabondaient au fil du temps, et je ne les retenais pas. J’aurais voulu courir vers cet espace vide, mais la réalité des branches cinglantes m’en empêchait.
J’avais les pieds enfoncés dans la terre et mon esprit tournoyait comme le vent devenu incontrôlable.
Je me sentais vivante.
Au bout du sentier, à quelques mètres, le monde s’ouvrait comme un livre nouveau. Une histoire jamais encore écrite.

Je parvins enfin sur la crête de rocher nu. Je dominais le monde. Face à moi, l’autre versant était devenu sombre, presque noir. Un nouveau décor. Le tonnerre roulait au loin. Je parcourus tout l’espace du regard. Il me semblait que j’étais la maîtresse des lieux, familiers malgré l’obscurité qui s’était abattue en contrebas, dans la vallée. Une lumière étrange baignait le ciel d’un jaune orangé presque irréel. Les nuages semblaient éclairés de l’intérieur. Le temps n’existait plus. J’aurais voulu figer pour toujours cette atmosphère dorée impalpable. Mais je savais qu’elle allait fuir comme du sable entre mes doigts.
J’étais debout, au bord du vide. Le vent tournoyait autour de moi, emmêlant mes cheveux. Parfois je devais fermer les yeux. Des souvenirs du Garlaban me revenaient. La Gloire de mon Père… Il n’était pas loin, lui non plus. Je sentais l’espace habité de mille présences fortes et rassurantes, malgré la tempête prévisible.

Soudain, une goutte s’écrasa sur ma joue. Et je la bus comme une offrande longtemps attendue.
Puis d’autres la suivirent et l’averse bientôt noya le ciel. Elle avait dévoré l’or des nuages redevenus gris. Le monde se diluait comme un tableau abandonné, laissé trop longtemps sous la pluie. Le soir ruisselait jusqu’à moi en longues coulées d’encre noire. 
J’eus soudain froid. Il me semblait que ma peau s’imprégnait de toute cette eau.
Je jetai un dernier regard vers le paysage qui m’avait tant subjuguée. Il n’avait plus rien de fascinant.
Le spectacle était achevé. L’averse avait repeint le monde d’un gris sombre, éclairé par les soubresauts de l’orage. L’eau dégoulinait sur ma peau et un long frisson me parcourut au rythme des éclairs qui déchiraient le ciel.
Je ne savais pas combien de temps j’étais restée ainsi immobile sous le déluge. La parenthèse se refermait. Je repris à l’envers le sentier détrempé. J’étais encore ivre de ce moment volé à la réalité. Mais je savais que dans mon cœur brillerait encore longtemps un peu de cet or évanoui.

© MLine SALTEL – 23/03/2016
Sur une photo prise à Albussac, en Corrèze.

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Commentaires
M
AH ...!<br /> <br /> MERCI pour la nouvelle bannière qui nous offre de jolies fleurs d'été...<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai bien apprécié de relire ce texte MAGNIFIQUE mais je n'aurais pas aimé te suivre pour cette promenade...Brrr!<br /> <br /> La photo était d'actualité ces jour derniers...la pluie aussi...! <br /> <br /> Hélas! il n'y a pas que chez nous...<br /> <br /> <br /> <br /> Bisous
M
Le rêve est le premier mode de transport pour voyager et tu sais si bien monter en marche !
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