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3 octobre 2017

A Anne Bert

Elle a décidé du dernier jour de sa vie.
Respect, Madame !
http://www.lemonde.fr/sante/article/2017/10/02/l-ecrivaine-anne-bert-est-morte_5194804_1651302.html

J'avais eu envie de lui rendre hommage il y a un mois tout juste, après l'avoir entendue parler.
Voici mon texte :

Aucun texte alternatif disponible.

 

Elle...
- A Anne Bert -

 

Elle avait décidé de vivre. Vivre à en briser le verre des regards trop étroits. Vivre à en perdre la voix.

Elle avait décidé d’aller au bout du tunnel trop froid. Ce qu’elle voulait c’est oublier les frontières des pourquoi. Vomir sans résister. Décourager la bile insidieuse des moments insensés. La caresser d’une langue râpeuse et la laisser couler longtemps jusqu’à l’estuaire interdit des promesses avortées. Elle aurait déchiré d’un trait les ciels d’aube insipides. Elle aurait maquillé la nuit de mauve et de rose fondant. Le sucre des espoirs aurait tout recouvert. Sa gorge aurait refoulé au-delà du vrai le flot trop immobile de ce sirop suspect.

Elle avait décidé de vivre et de graver au poinçon acéré de sa volonté crue les flammèches sournoises de ses douleurs haïes. Elle avait décidé de vivre. C'est-à-dire de survivre encore un petit peu au-delà des limites assénées sans choisir. Elle aurait peint encore à grands coups de boutoir l’envers des amours mortes. Elle aurait décidé du jour de l’heure la plus précieuse parce qu’elle ne revient pas. Elle aurait écrit dans sa tête épargnée le droit fatal des envies fatiguées avant même que de naître. La fin aurait peu à peu dévoré ses forces. Son sourire dessiné aurait rempli l’espace comme une blessure vide.

Elle avait décidé de vivre. Elle avait jeté l’encre de sa vie sacrifiée à l’amer du décor, et tu la vois flotter sur l’océan inscrit de tes larmes asséchées. Et tu la laisses fuir comme elle l’avait souhaité. Et tu entends son cri balafrer tes nuits folles jusqu’au silence nu. Le ciel est rouge sang. Tu le dilues à peine dans l’eau trouble et noyée de tes incertitudes. La gifle est salutaire. Tu attends l’autre jour. Celui des au-revoir paisibles. Il n’arrive jamais. Elle l’a laissé dormir sur le bord de sa mort.

Elle a décidé de partir.

© Marie-Line Saltel-Bayol - 07/09/2017
«Il faut partir à un moment où on est vulnérable» (Anne Bert)

Et voici sa dernière lettre. Lisez-la...
http://www.lejdd.fr/societe/la-derniere-lettre-danne-bert-euthanasiee-lundi-en-belgique-3452399
et son blog :
https://anneelisa.wordpress.com/

Son livre Le tout dernier été, sortira le 4 octobre, chez Fayard.

 Peinture Zao Wou Ki

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